workshops de sérigraphie
workshops
Organisés en collaboration avec Anne-Perrine Couët (illustratrice) et Guillaume Delamarche (typographe & graphiste).
Licence 3 design
2019 : perspectives
︎ 2018 : money get back !
2017 : chroma manifesto
2016 : repeat please
2015 : import - export
Le workshop “Money get back !” proposait d’explorer les notions de valeur et de monnaie. À partir de l’histoire de la monnaie, depuis son apparition jusqu’à sa dématérialisation actuelle, à partir de textes et d’approches philosophiques, sociologiques ou anthropologiques, à partir d’études et d’analyses diverses portant sur les objets servant aux transactions et au négoce depuis les origines et diverses régions du monde, le projet invitait à réfléchir au statut et aux fonctions possibles du billet de banque, à l’heure de sa disparition programmée.
« Jadis — ce fut évidemment un rapide échec — on tabla sur « la tête de bétail » (caput) ce qui nous a valu le mot résiduel de capital ; ou encore, ce qui revient au même, on eut recours à la bête (pecus), d’où ces termes vestigiaux de pécule et de pécuniaire. Mais un tel médiateur (l’animal, bien qu’en lui-même si valeureux) ne peut fonctionner que pour les négociations commerciales d’importance, indiquant une fortune (combien de bêtes à la ferme?) ou signifiant une dot, voire permettant la transaction d’un bien foncier ; un tel référent ne saurait servir pour des achats ou des ventes minimes, ordinaires. Il ne suffit pas d’être soi-même une valeur pour être hissé au rang d’un bien, non plus d’usage mais d’échange, celui qui exprime toutes les richesses et les dépasse. Que faut-il donc et quel sera l’objet capable d’assumer cette fonction fabuleuse, celui qui se substituera à tout, l’équivalent universel ? Comment quitter son état - empirique, le particulier, l’être-là — afin de devenir le rationnel, le véritable « bien » ? Sans ce médiateur, comme nous l’avons déjà mentionné, nous en resterions au troc : nous ne pourrions que négocier des marchandises contre d’autres, nous ne quitterions pas le plan des produits, ce qui limiterait singulièrement le commerce, âme de la cité des communications et des transactions. Par exemple, je souhaiterais vendre mon surplus de récolte — du blé ou des pommes — mais il m’est proposé à leur place des vêtements dont je n’ai nul besoin. Le marché s’asphyxie ; on ne peut rien conclure. En outre, sans un substitut miniaturisé et opérationnel des choses, nous ne pourrions pas exporter au loin, vendre car il faudrait charrier avec soi ce qu’on entend céder, comme ce qu’on recevrait en contrepartie. Pire encore, nous serions amenés à ne plus fabriquer, puisque nous ne pourrions pas écouler sur le marché nos produits ou le fruit de nos récoltes ; du même coup, le champ économique se rétrécit à la seule consommation, elle-même asphyxiante. Qui aurait imaginé, que sans la monnaie, la société se décomposerait, les unités devant vivre en quasi-autarcie, dans un médiocre isolement ? Grâce à une matière qui sort de ses limites — sorte de premier langage — s’amorce le commerce, donc, les commencements d’une certaine réciprocité, une circulation, des accords. »
François Dagognet, La Monnaie ou le Méta-Objet, in «Philosophie du transfert», Éditions Michalon, collection encre marine, Paris, 2006. p. 40-41
« Jadis — ce fut évidemment un rapide échec — on tabla sur « la tête de bétail » (caput) ce qui nous a valu le mot résiduel de capital ; ou encore, ce qui revient au même, on eut recours à la bête (pecus), d’où ces termes vestigiaux de pécule et de pécuniaire. Mais un tel médiateur (l’animal, bien qu’en lui-même si valeureux) ne peut fonctionner que pour les négociations commerciales d’importance, indiquant une fortune (combien de bêtes à la ferme?) ou signifiant une dot, voire permettant la transaction d’un bien foncier ; un tel référent ne saurait servir pour des achats ou des ventes minimes, ordinaires. Il ne suffit pas d’être soi-même une valeur pour être hissé au rang d’un bien, non plus d’usage mais d’échange, celui qui exprime toutes les richesses et les dépasse. Que faut-il donc et quel sera l’objet capable d’assumer cette fonction fabuleuse, celui qui se substituera à tout, l’équivalent universel ? Comment quitter son état - empirique, le particulier, l’être-là — afin de devenir le rationnel, le véritable « bien » ? Sans ce médiateur, comme nous l’avons déjà mentionné, nous en resterions au troc : nous ne pourrions que négocier des marchandises contre d’autres, nous ne quitterions pas le plan des produits, ce qui limiterait singulièrement le commerce, âme de la cité des communications et des transactions. Par exemple, je souhaiterais vendre mon surplus de récolte — du blé ou des pommes — mais il m’est proposé à leur place des vêtements dont je n’ai nul besoin. Le marché s’asphyxie ; on ne peut rien conclure. En outre, sans un substitut miniaturisé et opérationnel des choses, nous ne pourrions pas exporter au loin, vendre car il faudrait charrier avec soi ce qu’on entend céder, comme ce qu’on recevrait en contrepartie. Pire encore, nous serions amenés à ne plus fabriquer, puisque nous ne pourrions pas écouler sur le marché nos produits ou le fruit de nos récoltes ; du même coup, le champ économique se rétrécit à la seule consommation, elle-même asphyxiante. Qui aurait imaginé, que sans la monnaie, la société se décomposerait, les unités devant vivre en quasi-autarcie, dans un médiocre isolement ? Grâce à une matière qui sort de ses limites — sorte de premier langage — s’amorce le commerce, donc, les commencements d’une certaine réciprocité, une circulation, des accords. »
François Dagognet, La Monnaie ou le Méta-Objet, in «Philosophie du transfert», Éditions Michalon, collection encre marine, Paris, 2006. p. 40-41